Depuis son introduction d’Amérique du Nord en 1827, le douglas (Pseudotsuga menziesii) est devenu la principale essence exotique en Europe centrale. En particulier le douglas vert ou douglas côtier (P. menziesii var. menziesii) est particulièrement adapté aux forêts européennes. Son taux de croissance élevé, sa capacité à cicatriser rapidement et le faible nombre de maladies qui lui sont associées ont contribué à son essor. Cette essence est généralement considérée comme étant plus productive, plus résistante aux dommages et mieux capable de s’adapter que l’épicéa.

En matière de protection phytosanitaire, le douglas a toutefois aussi des points faibles et des particularités. Par ailleurs, les ravageurs européens se sont habitués à ce nouveau venu depuis son arrivée il y a près de 200 ans.

Facteurs de dégâts chez le douglas

En règle générale, le douglas est une des essences les plus fragiles d’Europe jusqu’au stade du fourré. Ses principales faiblesses sont liées à sa vulnérabilité marquée à l’égard des facteurs de dommages abiotiques et biotiques lors de la transplantation et au stade de mise en culture. La création et l’entretien des peuplements sont de ce fait très fastidieux.

En matière de facteurs biotiques, le douglas est surtout victime des dégâts dus à la faune sauvage, surtout aux stades du recru et du fourré. Les champignons présentent eux aussi un potentiel de dommages élevé. Les rouilles notamment comptent parmi les principaux organismes nuisibles, mais le douglas est également très sensible aux pourritures blanche et brune. Les insectes nuisibles posent aussi un problème, surtout chez les jeunes arbres.

Outre les agents biotiques, les facteurs abiotiques tels que le dessèchement des racines jouent un rôle important.

Maladies fongiques des aiguilles

Le rhabdocline du douglas (Rhabdocline pseudotsugae) et la rouille suisse du douglas (Phaeocryptopus gäumannii) figurent parmi les principales maladies fongiques du douglas. Chez la rouille suisse du douglas, les infections aiguës se produisent en particulier dans des atmosphères humides et des peuplements denses, ainsi que lors des années marquées par un début d’été humide. Selon la gravité de l’infection, les arbres perdent leurs aiguilles en l’espace d’un à trois ans (fig. 2 et 3).

Les maladies fongiques diminuent la résistance des aiguilles au gel. Lorsqu’une infestation aiguë se produit en même temps que des gels hivernaux, la défoliation a lieu déjà après un an, ce qui peut entraîner des pertes de production allant jusqu’à 50 %. En cas d’infestation aiguë sur plusieurs années, l’armillaire à squames foncées (Armillaria ostoyae) ou des insectes tels que le scolyte chalcographe (Pityogenes chalcographus) et le pityographe (Pityophthorus pityographus) provoquent des dommages secondaires.

Même forte, une infestation n’entraîne généralement pas la mort des arbres car les verticilles supérieurs sont en principe moins affectés par la rouille suisse du douglas. Une attaque secondaire par l’armillaire et les scolytes peut cependant avoir une issue fatale pour les arbres.

Le rhabdocline du douglas cause souvent la mort des arbres en moins d’un an. L’infection évolue beaucoup plus rapidement que chez la rouille suisse du douglas. Le douglas vert, qui est la variété la plus fréquente en Suisse, fait toutefois preuve d’une résistance élevée, alors que les variétés P. menziesii. var glauca et var. caesia, plus vulnérables, ne peuvent être plantées que dans un climat continental.

Bien que le douglas soit peu sensible à la maladie des bandes rouges (Dothistroma sp.), il peut également être infecté lorsque des pins avoisinants sont fortement atteints par ce pathogène.

Maladies fongiques des pousses

Des jeunes douglas présentant des cimes rouges sont régulièrement signalés. Il s’agit la plupart du temps du phomopsis du douglas, causé par Phacidium coniferarum (fig. 4). Ce champignon s’attaque à l’écorce des rameaux et du tronc, dont il entraîne la mort. L’alimentation des parties de l’arbre situées plus haut est alors interrompue, et les aiguilles de ces parties se colorent en rouge. Cette maladie menace surtout les jeunes douglas affaiblis par le gel, un déficit hydrique, un choc de plantation, des blessures à l’écorce, des dégâts de grêle, une forte défoliation due à une rouille ou d’autres facteurs de stress. L’essentiel de la mortalité survient pendant la première année suivant la plantation, lorsqu’un affaiblissement des jeunes plants en raison d’un déficit hydrique et d’une dessication hivernale facilitent l’expansion du champignon dans les tissus.

La pourriture noble (Botrytis cinerea) est généralement saprophyte mais peut également se comporter en parasite des tissus juvéniles si l’humidité de l’air est élevée et les températures basses. Les dommages sont généralement limités aux aiguilles et aux pousses de mai encore immatures d’arbres isolés.

Bien que la brûlure des pousses soit principalement un problème chez l’épicéa, le champignon Sirococcus conigenus a été découvert en 2015 dans de jeunes peuplements de douglas dans les Ardennes belges, en Wallonie. Ces cas semblent liés à des conditions météorologiques froides et humides et affectent surtout les jeunes rameaux. Les aiguilles meurent, les pousses terminales se dégarnissent et se recourbent souvent. La France mentionne également des attaques de Sirococcus sur douglas.

Pourritures fongiques

Le douglas est très sensible à l’armillaire à squames foncées (Armillaria ostoyae), surtout en combinaison avec la rouille suisse du douglas. Il y est même encore plus susceptible que l’épicéa. Il fait également partie des essences les plus vulnérables aux autres pourritures des racines, même si l’épicéa l’est encore plus que lui. Les parcelles sur sol sablonneux, sur lesquelles des pins étaient plantés au préalable, sont les plus propices à une infection par le phéole de Schweinitz (Phaeolus schweinitzii) et le fomès (Heterobasidion annosum). Le sparassis crépu (Sparassis crispa) provoque chez le douglas une pourriture des racines, mais celle-ci reste circonscrite à la base du tronc. Le rôle de la calocère visqueuse (Calocera viscosa) dans des pourritures du tronc et des racines a été mis en évidence ; ce champignon vit toutefois généralement en saprophyte sur les souches.

Définitions

En écologie, les facteurs abiotiques représentent l'ensemble des facteurs physico-chimiques d'un écosystème ayant une influence sur une biocénose donnée, par exemple les facteurs climatiques (précipitations, température, lumière, air), chimiques (dans l'air, l'eau ou le sol), et topographiques (altitude, exposition, pente, etc.).

Un saprophyte est un organisme végétal, fongique ou bactérien capable de se nourrir de matière organique non vivante. Il peut provoquer la décomposition de cette matière en libérant des enzymes digestives.

Sources:
fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_abiotique
fr.wikipedia.org/wiki/Saprophyte

Les facteurs abiotiques sont particulièrement importants

Des conditions stationnelles inappropriées telles que des sols lourds, à humidité fluctuante, avec une proportion élevée d’argile, de limon ou de calcaire, ainsi que les sites exposés au gel et à une humidité de l’air élevée, affaiblissent extrêmement le douglas. Il en résulte une susceptibilité accrue aux parasites et aux ravageurs. Le douglas supporte tout aussi mal les crues et l’eau stagnante.

Les difficultés rencontrées lors de la création des peuplements s’expliquent en partie par la sensibilité marquée du douglas au dessèchement des racines, due à sa faible capacité à réguler l’ouverture de ses stomates. La régénération naturelle, lorsqu’elle est possible, ou celle issue de semences doivent donc être préférées aux plantations. Les régénérations naturelles doivent toutefois elles aussi souvent être replantées et entretenues, plus intensivement que chez l’épicéa.

Le mode de plantation est important : les plantations à l’équerre au moyen d’une pioche de pépiniériste rendent impossible un développement sain des racines, ce qui a des conséquences fâcheuses, notamment dues aux pourritures des racines. Ces dernières n’apparaissent que des années plus tard et ne sont donc que rarement attribuées à la plantation. Les plantations en trous de plants à racines nues ou en pot sont plus indiquées. Là aussi, il faut toutefois veiller à ce que les racines ne soit ni trop sèches, ni déformées (effet pot de fleur), car des racines endommagées ne se régénèrent plus.

Les gels hivernaux et les gels tardifs causent d’autres dommages. On observe souvent des dommages dus à la dessication hivernale : lorsque les températures sont positives, l’exposition directe au soleil provoque une ouverture précoce des stomates et déclenche la photosynthèse alors que le sol est encore gelé. Il en résulte des symptômes de desséchement. Cette caractéristique du douglas touche particulièrement les douglas plantés en Europe. Par la suite apparaissent des ravageurs secondaires et des maladies.

Tab. 1 - Vue d’ensemble des champignons et facteurs abiotiques affectant le douglas

Des études récentes ont montré que la résistance du douglas aux tempêtes a longtemps été surestimée. En fait, il figure parmi les conifères au feuillage dense les plus vulnérables en matière de risques liés aux tempêtes. Albrecht et al. (2011) estiment que sa prédisposition effective aux chablis est aussi élevée que celle de l’épicéa. Ils concluent:

« Du point de vue de la limitation des chablis dans les forêts exploitées, il semble nécessaire d’éclaircir suffisamment tôt les régénérations naturelles denses ou d’entreprendre une création artificielle de peuplements comportant un petit nombre de plants. Ces mesures favorisent à la fois la croissance en diamètre et la croissance racinaire. Par ailleurs, elles diminuent la nécessité de pratiquer des éclaircies très risquées à un stade tardif du développement du peuplement, lorsque le risque est marqué en raison de la hauteur élevée du peuplement. »

En sylviculture, on recommande pourtant de freiner la croissance pendant la phase du recrû et d’établir une densité de 800 à 1200 arbres par hectare dans les jeunes peuplements. Ce nombre de tiges doit permettre d’atteindre l’optimum entre les coûts d’entretien, le diamètre des branches et l’accroissement en diamètre du tronc. Or, une densité aussi élevée n’accroît pas seulement le risque lié aux tempêtes, mais aussi celui lié aux organismes nuisibles.

Nouveaux défis en perspective

A l’avenir, il faut s’attendre à ce que de nouveaux organismes nuisibles en provenance de l’aire d’origine du douglas arrivent en Europe. Outre les organismes déjà introduits tels que les maladies des aiguilles ou le chermès du douglas (Gilletteella cooleyii), d’autres présenteront un risque de dommages considérable s’ils sont introduits. L’introduction des champignons nord-américains Phellinus weirii et Ophiostoma wageneri, deux agents de pourritures des racines et du pied, et celle du gui Arceuthobium douglasii seraient extrêmement dangereuses.

Les changements climatiques peuvent en outre modifier le comportement de certains agents pathogènes. Par exemple, l’Autriche a connu une recrudescence des rouilles du douglas (Phaeocryptopus gaeumannii et Rhabdocline pseudotsugae) dans toute l’aire de répartition de cette essence.
 

Traduction: Michèle Kaennel Dobbertin (WSL)
 

Principales sources