Dans un contexte de changements climatiques, certains espoirs reposent sur le douglas. Il est caractérisé non seulement par sa croissance rapide, mais aussi par sa résistance à la sécheresse, avec un bois au moins d’aussi bonne qualité que celui de l’épicéa. Cependant, les douglas peuvent également être affectés par divers ravageurs et maladies. Cet article fait le point sur les nuisibles connus dans nos contrées, y compris la faune sauvage. Les agents pathogènes seront abordés dans un article ultérieur.
En général, les nuisibles affectent le douglas du stade du recrû à celui du perchis. Les arbres plus grands ne sont pratiquement plus exposés à de tels dangers en Europe. En ce qui concerne les insectes, ce sont aussi bien des espèces d’origine européenne que celles qui ont été introduites qui peuvent nuire au douglas. Des dommages significatifs sont également infligés par les ongulés.
Insectes ravageurs
En Suisse, on n’observe qu’un nombre relativement faible d’insectes nuisibles sur le douglas. Il est donc considéré comme peu vulnérable dans ce domaine. Quelques espèces d’insectes l’ont cependant accompagné jusqu’en Europe. En outre, certains insectes indigènes apprécient également le douglas comme nouvel hôte.
Alors qu’en Amérique du Nord, le douglas accueille de nombreuses espèces d’insectes, dont plusieurs peuvent devenir nuisibles, la situation est encore largement peu problématique en Suisse et en Europe. C’est ainsi qu’aucun scolyte américain affectant le douglas n’a encore trouvé le chemin de l’Europe. Diverses espèces d’insectes apparaissent en Suisse sur le douglas, surtout en combinaison avec d’autres phénomènes comme les champignons des aiguilles ou les dégâts de gel hivernaux.
Insectes introduits d’Amérique du Nord
Il y a plus d’un siècle, le Megastigmus spermotrophus, un chalcidien phytophage des graines du douglas, a été introduit en Europe, où il a pu s’établir et se répandre. On ne sait pas exactement quand il est apparu pour la première fois en Suisse. Cet hyménoptère entraîne parfois aux Etats-Unis des arrêts de production dans les plantations destinées à la récolte des graines. Chez nous, il s’agit d’une espèce qui pose bien moins de problèmes, même si la production de graines des arbres en forêt peut être réduite par sa présence. Ici comme en Amérique du Nord, l’hyménoptère est resté fidèle au douglas et ne s’attaque pas à d’autres conifères.
Arrivée en Europe à la fin des années 1990, la punaise américaine du pin (Leptoglossus occidentalis – fig. 1) s’y est très rapidement répandue. Dans son pays d’origine, elle affecte non seulement le douglas, mais aussi de nombreux autres conifères. En Suisse, elle peut être observée également sur les cônes de nombreuses essences indigènes et exotiques. Jusqu’ici, aucun dommage n’a été observé sur les graines en Suisse.
Le chermès du Douglas (Gilletteella cooleyi) provient de la région d’origine du douglas. Ce puceron aime sucer les aiguilles des arbres aux stades du recrû et du gaulis. Les aiguilles se recroquevillent et/ou se décolorent et finissent par tomber. Les sécrétions cireuses blanches de ce puceron sont particulièrement visibles (fig. 2). En combinaison avec la rouille suisse du douglas (Phaeocrytopus gaeumannii), il peut entraîner une défoliation importante. Les jeunes arbres ne peuvent alors généralement plus affronter la concurrence, flétrissent et finissent par mourir (fig. 3). Dans cette phase, ils sont souvent infestés par de petites espèces indigènes de scolytes. Dans les peuplements bien entretenus et aérés, les douglas n’ont en général que peu de problèmes, mais développent plus de branches.
La cécidomyie des aiguilles du douglas (Contarinia pseudotsugae) a été introduite récemment dans les pays du Benelux. Aujourd’hui, on la trouve déjà en France et en Allemagne. On devrait la voir apparaître prochainement également en Suisse. Les minuscules larves orange dévorent l’intérieur des aiguilles, qui se déforment, sèchent et meurent (fig. 4). Une contamination n’est pas mortelle pour l’arbre, mais peut conduire à un affaiblissement supplémentaire des jeunes pousses en combinaison avec les organismes mentionnés plus haut.
Fig. 4 - Dommages dus à la cécidomyie des aiguilles du douglas.
Photo: USDA Forest Service, Bugwood.com
Insectes indigènes
Le grand charançon du pin (Hylobius abietis), que nous connaissons sur les conifères locaux, apparaît souvent sur les jeunes arbres qui viennent d’être plantés. Les charançons adultes rongent l’écorce des jeunes troncs à proximité du sol (fig. 5). Lorsque ces blessures, qui ressemblent à des cicatrices de variole, font tout le tour du tronc, les petits arbres peuvent mourir. C’est surtout pour les plantations sur de grandes surfaces, par exemple après une coupe rase ou des chablis, que la contamination peut devenir importante, car les larves du charançon se développent dans les vieilles souches.
Fig. 5 - Petit tronc avec traces de forage de maturation du grand charançon du pin.
Insectes indigènes
Les jeunes aiguilles de douglas peuvent de temps à autre être dévorées par des charançons locaux (p. ex. Phyllobius spp., Polydrusus spp.), qui apparaissent par exemple sur les sapins pectinés. Les dommages sont parfois visibles sur les pousses, ressemblent en raison de la coloration brune de la dernière génération d’aiguilles aux dommages des gels tardifs, mais restent en général peu significatifs. On peut éventuellement observer des pertes de croissance dans les pépinières.
Sur le versant sud des Alpes, dans le Valais et dans la région du Léman, la processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) passe parfois du pin au douglas. On peut alors observer dans la couronne des arbres à partir du stade du perchis les nids d’hivernage des chenilles, bien visibles, de la taille d’un poing. Les déprédations dans les couronnes restent toutefois négligeables, les pins à proximité étant bien plus contaminés.
Parmi les scolytes, c’est le micrographe (Pityophthorus pityographus) qui est le plus fréquent. Cette espèce aime nicher dans les jeunes douglas déjà affaiblis, et entraîne leur mort. On reconnaît les galeries caractéristiques de ce petit scolyte: la chambre nuptiale et les galeries maternelles en forme d’étoile sont nettement encastrées dans l’aubier (fig. 6). Parfois, le micrographe se combine avec le chalcographe (Pityogenes chalcographus), et les deux espèces cohabitent sur le même douglas.
D’autres scolytes indigènes des conifères peuvent coloniser de temps en temps le douglas et pondre sous l’écorce. Il s’agit cependant surtout de colonisation d’arbres couchés sur des piles d’exploitation. Le typographe (Ips typographus), le grand scolyte du mélèze (Ips cembrae), le scolyte granuleux (Cryphalus abietis), le scolyte liseré (Xyloterus lineatus) et le scolyte noir du Japon (Xylosandrus germanus), originaire d’Extrême-Orient, ont déjà été observés en Suisse.
Bien d’autres insectes forestiers indigènes, surtout des espèces de papillons et de coléoptères, ont colonisé le douglas en Europe. Mais jusqu’ici, aucun dommage n’a été mentionné en Suisse.
Fig. 6 - Galeries des pontes caractéristiques du micrographe, creusées dans l’aubier.
Dommages provoqués par les animaux sauvages sur le douglas
Le douglas est particulièrement sensible à toutes les formes de dommages causés par la faune sauvage car les plantations ne sont pas naturelles, et le nombre d’arbres relativement faible. Les essences normalement absentes attirent particulièrement la faune sauvage et sont menacées aussi bien par l’abroutissement que par le frottis et l’écorçage.
C’est le frottis qui représente le danger principal pour les arbres. Les mâles du cerf élaphe (Cervus elaphus), du chevreuil (Capreolus capreolus) et du cerf Sika (Cervus nippon) ont l’habitude de maltraiter les arbres avec leur ramure (fig. 7) afin d’éliminer le velours de leurs andouillers neufs et de marquer leur territoire. Avant le rut, ils développent une agressivité accrue envers leurs congénères mâles. Ils déchargent cette agressivité également contre la végétation. Le douglas doit subir particulièrement souvent ce comportement.
Fig. 7 - Dommages provoqués sur des douglas par le frottis du chevreuil.
L’abroutissement survient surtout en hiver pour le douglas. L’attrait qu’il exerce est un peu plus faible que celui du sapin pectiné, le frein à la croissance l’est donc aussi. Comme l’a montré une taille expérimentale des pousses terminales, un abroutissement répété entraîne des pertes de qualité permanentes chez le douglas. Ces dernières sont particulièrement importantes car le nombre de troncs dans le rajeunissement est en général inférieur à celui des essences qui se sont installées par régénération naturelle.
Le douglas est écorcé par les cerfs élaphes et les cerfs Sika (fig. 8). La menace n’est pas aussi importante que pour l’épicéa. La période de vulnérabilité est également plus courte, car l’écorce du douglas s’épaissit rapidement. Le douglas est particulièrement vulnérable entre 8 et 25 ans. Toutefois, ses capacités de cicatrisation sont bonnes, et les pertes de qualité restent faibles.
Fig. 8 - Douglas écorcé par des cervidés.
Dommages provoqués par les animaux sauvages sur le douglas
Le douglas est apprécié comme frottoir par les sangliers (Sus scrofa). Les frottoirs sont des arbres sur lesquels les sangliers aiment régulièrement se gratter. Cela concerne surtout l’environnement des agrainages, où les sangliers sont nourris pour les écarter des cultures agricoles et pour des objectifs cynégétiques. Les arbres particulièrement sollicités par les sangliers meurent.
Comme chez l’épicéa et le mélèze, les bourgeons et pousses des douglas sont mangés par le campagnol roussâtre (Clethrionomys glareolus – fig. 9), souvent dès la fin de l’été. Ces dommages ne sont alors généralement pas très visibles. Ils ne le deviennent qu’à la fin de l’automne, lorsque l’écorce des verticilles est rongée par endroits, ce qui se traduit par des taches claires.
Mesures de protection contre la faune sauvage
Pour protéger par des moyens techniques les douglas de plantation contre tous les dommages exercés par les animaux, il faut compter environ 80 francs par arbre dans une zone fréquentée par les cervidés. S’il ne se trouve pas à l’intérieur d’un enclos, chaque jeune plant doit être protégé par un fourreau grillagé ou une autre protection individuelle mécanique (fig. 10). Pour protéger par la suite le tronc contre les dommages causés par le frottis, il est possible de fixer sur un pieu un grillage de 2 mètres de haut à une certaine distance autour du tronc. Les moyens classiques contre l’écorçage comme Polynet ou la défense chimique avec des produits à base de sable de quartz n’apportent pas une protection suffisante pour le douglas. Ces mesures sont inefficaces contre le frottis, particulièrement fréquents sur le douglas. Des observateurs ont rapporté que ce type de protection avait été détruit à l’aide des andouillers, avant que l’arbre ne soit écorcé.
Fig. 11 - Douglas protégé (à l’arrière-plan) et non protégé, rongé par des cerfs Sika. Photo: Protection de la forêt suisse