Le passage dans de mauvaises conditions d’engins sur des sols forestiers naturels provoque, pour la majorité des sols des forêts suisses, des ornières dont les perturbations profondes et durables entravent les fonctions du sol. Une réduction du volume des pores et des liaisons entre eux diminue la capacité des sols à transporter l’eau et l’air, dont l’approvisionnement est vital pour les racines et par conséquent indispensable pour la fertilité des sols. Une réduction de la fertilité des sols entravera les rendements de la production de bois, dont le maintien est dans le propre intérêt des propriétaires forestiers. D’autres prestations environnementales de la forêt d’intérêt général pour la société, telles que la protection du climat et la protection de la qualité de l’eau potable, sont également menacées.

Le poids élevé des engins forestiers implique une charge par roue très importante augmentant le risque de dégâts durant les activités de récolte du bois. Le rajeunissement naturel en est entravé dans sa germination et sa croissance racinaire. L’exploitation durable de la ressource bois implique, pour des raisons économiques, l’emploi de processus efficaces de travail, lesquels entrent en conflit avec les exigences en sols forestiers sains avancées pour des raisons de durabilité. 

Modifications du sol sous l’effet de contraintes mécaniques

Le passage d’engins forestiers provoque une compaction et une déformation du sol entraînant une perturbation de ses fonctions. Le volume des pores et leur continuité diminuent, touchant principalement les pores larges responsables de l’infiltration de l’eau et de l’aération de l’espace racinaire (fig. 2). Les conditions de vie pour les racines et la faune du sol se dégradent. La compaction et le régime défavorable de l’air et de l’eau dans le sol empêchent les racines d’y accéder et de l’exploiter de façon optimale. Les processus de régénération naturelle ne seront en mesure d’apporter que des améliorations très lentes.

Types d’ornière – Indicateurs dans la gestion de la protection des sols

Les modifications causées dans le sol par le passage d’engins peuvent être mises en relation avec l’apparence extérieure des ornières. Une typologie des ornières a été élaborée pour l’application pratique de la protection physique des sols (fig. 3). Ces types d’ornière sont fondés sur les connaissances scientifiques actuelles des relations entre l’apparence extérieure d’une ornière et la fonctionnalité du sol. Sur cette base, un type d’ornière a été défini, dont l’apparition est un signal sans équivoque de la présence d’un dégât écologique dans le système sol (type d’ornière 3). Ceci représente un critère simple pour le travail pratique en forêt, auquel les acteurs peuvent se fier: les travaux devront être suspendus dès l’apparition du type d’ornière 3.

Le type d’ornière 1 est caractérisé par une pression exercée sur les horizons humifères, lesquels prennent la forme des empreintes de roues, et par une profondeur de l’ornière inférieure à 10 cm. Le type d’ornière 2 se situe dans le domaine de la déformation plastique et présente une profondeur plus importante, généralement inférieure à 10 cm atteignant l’horizon A (horizon de couleur foncée de mélange organo-minéral). Des bourrelets latéraux naissants issus des horizons supérieurs (horizons A) sont également possibles. Le type d’ornière 3 est défini par un ensemble de trois caractéristiques qui doivent toutes être remplies: profondeur de l’ornière le plus souvent supérieure à 10 cm, atteignant les horizons du sous-sol et présence marquée de bourrelets latéraux. A noter que le type d’ornière 3 a non seulement des répercussions plus profondes que les types 1 et 2, mais également des répercussions plus importantes latéralement.

Le relevé des types d’ornière le long des layons de la desserte de détail permet de juger de la qualité du travail et, le cas échéant, de prendre les mesures qui s’imposent.

Sensibilité des sols au passage d’engins

La sensibilité d’un sol à la compaction et à la déformation dépend de sa teneur actuelle en eau au moment du passage et par conséquent de l’évolution des conditions climatiques. D’autres facteurs jouent également un rôle: la composition granulométrique, la fraction grossière (teneur en matériaux pierreux), la présence de caractéristiques d’hydromorphie, le taux de matière organique et la pente. Plus la teneur en eau du sol augmente et plus les forces de frottement entre les particules du sol diminuent, réduisant ainsi sa portance. En règle générale, il est nécessaire sur des sols perméables (par ex. sols sablonneux), d’attendre trois jours sans pluie après des précipitations d’intensité moyenne pour pouvoir circuler à nouveau avec des engins tout en préservant les sols. Des sols à granulométrie grossière (avec des pores larges) et/ou à teneur élevée en matériaux pierreux présentant un faible taux de matière organique dans les horizons supérieurs sont peu sensibles ou ne le sont pas du tout. Des sols à granulométrie fine et/ou à faible teneur en matériaux pierreux avec un taux élevé en matière organique dans les horizons supérieurs présentent, quant à eux, un risque potentiellement plus élevé. La sensibilité des sols s’accentue également avec l’augmentation de la pente, tandis que des sols gelés seront peu sensibles au passage d’engins. La figure 8 montre de quelle manière différentes caractéristiques des sols influencent leur sensibilité à la compaction. Les caractéristiques techniques de l’engin utilisé (poids, types de pneus…) détermineront également si un sol est praticable ou non dans des conditions données.

Les conséquences du passage d’engins sont non seulement présentes dans les horizons supérieurs du sol, mais également plus en profondeur. La compaction des horizons du sous-sol est avant tout provoquée par une charge par roue élevée. Des investigations au moyen d’un instrument mesurant la résistance à la pénétration du sol, ont mis en évidence un accroissement de la résistance jusqu’à 70–80 cm de profondeur (fig. 4).

Les responsabilités dans la protection physique des sols

De nombreux acteurs sont responsables de l’application de la protection physique des sols (fig. 10): le propriétaire forestier, l’exploitation forestière, l’entrepreneur forestier et le service forestier cantonal. Il incombe au service cantonal de la protection des sols, en tant qu’organe d’exécution, de vérifier le respect des dispositions légales. L’OFEV, l’Institut de recherche WSL et les centres de formation offrent leur soutien dans le domaine de l’application.

Mesures de protection physique des sols

Mesures concernant la planification de la récolte du bois

  • Planification systématique de la desserte de détail (fig. 6)
  • Documentation de la desserte de détail
  • Intégration de la sensibilité des sols à la compaction dans la planification des coupes de bois
  • Fixation par écrit des dispositions concernant la protection des sols

Mesures concernant la technique des engins

  • Diminution de la pression dans les zones de contact
    • En diminuant la charge par roue:
      • faible poids total
      • nombre de roues le plus élevé possible pour un même poids
      • répartition du poids la plus équilibrée possible entre l’avant et l’arrièregeringes
    • En augmentant la surface de contact:
      • basse pression de gonflage des pneus
      • pneus larges
      • grand diamètre des roues
  • Diminuer le patinage

Mesures concernant l’exécution des travaux

  • Rester sur les layons de débardage avec les engins
  • Maintenir les layons de débardage dans un état praticable
  • Formation d’un tapis de branches (fig. 6)
  • Débardage avec charge réduite
  • Interrompre les travaux (si, au cours d’une coupe de bois, le type d’ornière 3 apparaît sur un layon de débardage)

Mesures de régénération

La plantation d’aulnes glutineux permet, à travers leur enracinement dans les horizons compactés sous les ornières, d’activer la régénération des caractéristiques du sol et de ce fait de ses fonctions. Le rétablissement des fonctions racinaires des sols forestiers compactés sera étudié au cours de prochains travaux de recherche.

Aspects économiques

Les bénéfices de la protection physique des sols pour l’économie forestière et la société sont à mettre en regard avec ses coûts. La figure 7 présente un aperçu des mesures ayant des répercussions financières sur la base desquelles les coûts ont été estimés.

Il reste encore toute une série de questions en suspens dans la recherche comme dans la pratique, auxquelles il faut encore répondre, par exemple l’appréciation quantitative de la praticabilité des sols et la question de la quantité et de l’étendue tolérable de la présence d’ornières dans le cadre de l’exploitation forestière.

Des références figurent dans l'article originale (PDF).

La publication Protection physique des sols en forêt – protection des sols lors de l’utilisation d’engins forestiers est disponible gratuitement sur simple demande auprès du WSL:

Adresse de commande
WSL e-shop
Zürcherstrasse 111
CH-8903 Birmensdorf
e-shop@wsl.ch

L'Office fédéral de l'environnement OFEV et l'Institut fédéral de recherches WSL ont élaboré un manuel complet sur le thème de la protection physique des sols en forêt.