Fig. 2 - Les dommages d’écorçage touchent essentiellement les territoires hivernaux des cerfs. Photo: Renato Amstad, Bever
Selon une enquête récente auprès des administrations cantonales, la prévention et la compensation des dommages causés par le gibier coûtent chaque année environ six millions de francs à l'agriculture et à l'économie forestière – et la tendance est à la hausse.
Les dépenses de prévention et de compensation se maintiennent à peu près en équilibre en Suisse. Des différences très marquées apparaissent toutefois entre les cantons. Le canton du Tessin consacre par exemple dix fois plus d'argent aux indemnisations qu’à la prévention. Inversement, les cantons de Berne et d'Argovie investissent près d’un tiers de plus dans la prévention que dans la compensation.
Les plus fortes indemnisations sont celles versées en cas de dommages causés par des sangliers aux cultures agricoles, ainsi qu’aux vignes dans les cantons de régions viticoles. Par comparaison, les indemnisations des dommages aux forêts sont relativement faibles. Les dégâts d’écorçage par le cerf sont rarement indemnisés.
Le montant des indemnités dépend très peu de la taille des cantons, de la surface forestière ou du nombre d’habitants, mais surtout des habitudes en matière d’indemnisation – et celles-ci varient fortement entre les cantons.
La prévention des dommages a pour but de mettre en œuvre des mesures de protection pour maintenir dans des limites raisonnables les dommages que peut provoquer la faune sauvage. La compensation des dommages, quant à elle, consiste à indemniser des dommages dans un cadre réglementé.
Des pertes économiques dues à l’écorçage
L’écorçage par les cerfs diminue la qualité du bois (fig. 1). Les blessures qu’il occasionne sont autant de points d’entrée possibles pour des infections fongiques, qui entraînent surtout la pourriture rouge chez l’épicéa et la pourriture blanche chez le hêtre. Les frênes peuvent également être infectés. La présence de pourriture réduit considérablement la valeur économique d’une tige, quelles que soient ses qualités par ailleurs. Les revenus des ventes de bois diminuent donc d’autant. Les pertes financières dues à l’écorçage ne sont donc visibles qu’après bien des années, au moment de la récolte.
D’après la littérature, les montants des indemnités pour des dommages d’écorçage dans des pessières varient entre 3000 et 15'000 CHF/ha en fonction des conditions locales. En cas de dommages partiels, les pertes sont réduites au prorata des dommages.
L’étendue des dommages varie d’une essence à l’autre. Chez le pin, le mélèze, le douglas ou le chêne, les blessures guérissent mieux que chez l’épicéa et entraînent donc mieux de pertes de qualité. De même, les conditions météorologiques lors de l’écorçage peuvent être plus ou moins favorables à la cicatrisation et ainsi ralentir ou endiguer l’expansion d’une pourriture dans le tronc.
Du flou dans les compensations
Fig. 3 - Cerf élaphe. Photo: Janina Scholz/pixelio.de
Les propriétaires forestiers ont en principe droit à une indemnisation des dommages causés par le gibier. En vertu de l’art. 13.1 de la loi fédérale sur la chasse, «les dommages causés par le gibier à la forêt, aux cultures et aux animaux de rente seront indemnisés de façon appropriée.»
Dans la pratique, la mise en œuvre pèche cependant. D’une part, les propriétaires forestiers ne déclarent pas les dommages, d’autre part, les procédures d’indemnisation sont compliquées, coûteuses en temps et hostiles aux propriétaires, ou elles reposent sur des appréciations subjectives. Une section des directives définit non seulement d’innombrables conditions à remplir, mais aussi des franchises élevées pour les propriétaires forestiers. De ce fait, et en raison du manque de transparence des procédures d’indemnisation, les conflits concernant la justification et le montant des indemnités sont inévitables.
Le canton de Berne: un cas exemplaire
Pour que les indemnisations se déroulent sans accroc, les parties concernées doivent convenir avant l’apparition des dommages de la procédure qui sera adoptée pour un versement sans équivoque des indemnités. L’Ordonnance concernant la prévention et l’indemnisation des dommages causés par la faune sauvage dans le canton de Berne semble un cas exemplaire en comparaison avec d’autres cantons. Ici, les demandes d'indemnisation sont remises par écrit et sur formulaire officiel à l’inspection de la chasse, qui fixe le montant des indemnités. Les dommages estimés à moins de 100 Fr. sont considérés comme mineurs et ne sont pas indemnisés.
Les dégâts sont estimés en présence du propriétaire par le garde-faune cantonal et en accord avec les forestiers de triage compétents. Si le propriétaire conteste le montant qui lui est communiqué verbalement, l'Inspection de la chasse ordonne une estimation complémentaire par l'estimateur en chef. Les frais de l'estimation complémentaire seront imputés sur le montant de l'indemnité accordée si le résultat de la première estimation est confirmé ou réduit. Les indemnisations sont payées grâce au Fonds pour les dommages causés par la faune sauvage.
Les gardes-faune et les forestiers de triage peuvent s’aider du tableau ci-dessous pour estimer les dommages à la végétation forestière et garantit au propriétaire la transparence de l’estimation (fig. 3). Ce tableau permet de calculer indifféremment les dommages d’abroutissement, de frayure et d’écorçage.
Fig. 3 - Tableau pour le calcul des dommages d’abroutissement, de frayure et d’écorçage dans le canton de Berne.
Les dommages causés par la faune ne sont pas des sources de revenu
Les indemnisations et les aides ne sont justifiées que lorsqu’un propriétaire subit effectivement des dépenses, qu’elles soient liées à la prévention, à des soins culturaux supplémentaires, ou à un manque à gagner en raison de l’assortiment. En principe, seuls peuvent être indemnisés les propriétaires qui gèrent effectivement leur forêt.
Ceci explique que le canton de Berne ne finance pas les mesures de prévention, mais qu’il met gratuitement à la disposition des propriétaires le matériel nécessaire, par exemple des répulsifs pour enduire les troncs, ou des manchons en plastique pour une protection mécanique des arbres. Les aides à la prévention accordées ainsi aux propriétaires représentent un coût annuel de 250 000 Frs pour le canton, alors que les indemnisations s’élèvent à peine à un vingtième de cette somme. Dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures, le versement des indemnités est lié à des mesures sylvicoles adaptées à la station.
Déclarer les dommages est dans l’intérêt des propriétaires
Contrairement à leurs homologues dans les pays voisins, les propriétaires suisses ne tirent aucun revenu direct de la chasse. En négligeant de déclarer des dommages d’écorçage dans leur forêt, ils se pénalisent doublement, puisqu’ils renoncent à la fois aux indemnisations et à des subventions pour la prévention. En outre, la pression du gibier se maintient, car en l’absence de déclaration de dommages, les motifs pour renforcer la chasse font défaut. Au contraire, on considère que les effectifs du gibier sont adaptés à leur habitat.
En revanche, si les propriétaires signalent en toute objectivité les dommages qu’ils ont subis, ils ont toutes les chances de bénéficier d’une aide matérielle pour la prévention et l’indemnisation des dommages grâce au Fonds pour les dommages causés par la faune sauvage. En règle générale, on intensifie alors par ailleurs la chasse pour éviter de dilapider le Fonds. En fin de compte, les propriétaires sortent gagnants car davantage d’arbres restent épargnés dans leur forêt. Propriétaires, n’hésitez pas à déclarer les dommages aux autorités de votre canton.
Traduction : Michèle Kaennel Dobbertin (WSL)