La région de Klosters/Davos a été scannée au laser lors d’un vol aérien en 2010. Les données LiDAR (Light Detection and Ranging) ainsi collectées ont servi à établir un modèle numérique de terrain et de surface (MNT, MNS) sous forme de grille d’une résolution de 0,5 x 0,5 m (40 000 pixels de grille = 1 ha). La hauteur de la végétation pour chaque cellule du quadrillage est calculée à partir de la différence entre le MNS et le MNT. Le modèle de la hauteur de la végétation (MHV ou «modèle de la hauteur des houppiers») qui en résulte permet de distinguer, en haute résolution, chaque houppier de la strate dominante de la forêt.

En collaboration avec le Service des forêts et des dangers naturels (Amt für Wald und Naturgefahren AWN) du canton des Grisons, la Chaire de génie forestier de l’ETH Zurich développe actuellement des méthodes permettant de relever automatiquement des caractéristiques significatives de la forêt à partir de cette base de données inédite.

Le présent article traite de la représentation de la forêt sous forme de réseau d’arbres qu’il est possible de déterminer à partir d’un MHV. Ce réseau permet d’établir des cartes, comme des cartes du peuplement ou des volumes de bois, afin de résoudre des questions d’ordre pratique. Soulignons toutefois que les MHV ne sont pas faciles à utiliser et posent de véritables défis aux acteurs de la pratique.

Représentation de la forêt

Imaginez que vous désiriez décrire une forêt dans l’espace avec un minimum d’informations. Vous pourriez indiquer la position de chaque arbre par un point et lui attribuer des caractéristiques, comme l’essence ou le diamètre à hauteur de poitrine. Si vous voulez obtenir des informations sur la structure de la forêt, vous établissez ensuite un lien avec les arbres voisins que vous reliez, deux par deux, en traçant une arête. Le réseau apparaît grâce à cette combinaison de points et d’arêtes (fig. 2 B).

Ce réseau peut être déterminé automatiquement à l’aide d’un MHV de haute résolution. Les arbres y sont d’abord localisés en repérant leur cime (fig. 2 A). La hauteur des arbres est directement indiquée par la position de l’arbre figurant au MHV. Sur la base de la hauteur, d’autres données, comme le DHP ou les volumes de bois, peuvent être estimées à l’aide de fonctions extrapolées des mesures terrestres régionales (p. ex. Inventaire forestier national). On se sert ensuite de la triangulation de Delaunay pour relier les arbres voisins (points) par des arêtes (fig. 2 B). Ainsi la longueur des arêtes est également définie. Enfin, les surfaces occupées sont déterminées sur la base du réseau établi en produisant un diagramme de Voronoï (fig. 2 C).

Exemples d’application

La représentation d’une forêt à l’aide d’un réseau permet de déterminer automatiquement de nombreuses caractéristiques propres à la forêt. Nous présentons ici les méthodes servant à établir des cartes du peuplement et des volumes de bois. Dans le passé, les peuplements pouvaient être délimités visuellement à l’aide de photos aériennes qui révélaient entre autres des changements brusques dans la structure de la forêt. La représentation sous forme de réseau permet de procéder à cette délimitation en résolvant un problème mathématique d’optimisation afin de grouper en peuplements les arbres voisins les plus semblables.

ff Exemples d’application

La figure 3 illustre la délimitation du peuplement lorsque des arbres voisins (3 A) et des arbres voisins semblables (3 B) sont groupés sur la base de la longueur des arêtes. Si ces longueurs correspondent aux distances euclidiennes, il en résulte des peuplements d’un seul tenant composés d’arbres voisins (3 A). Les limites ne sont toutefois pas établies aux endroits où la structure de la forêt a subi de brusques changements. Ce facteur est pris en considération par le fait que les arêtes sont encore pondérées en fonction de la différence des DHP des arbres voisins. Le réseau pondéré qui apparaît dans la figure 3 B est à considérer comme un espace virtuel dans lequel les arbres voisins de DHP très différents (c’est-à-dire des arbres peu semblables) sont éloignés les uns des autres. Les changements brusques dans la structure de la forêt peuvent alors être pris en considération en regroupant les arbres sur la base de la longueur des arêtes. La transformation inverse des arbres groupés dans l’espace réel aboutit à une délimitation plausible des peuplements.

Dans la carte des volumes de bois, on estime le volume local en mètres cubes pour chaque surface occupée. Pour cette estimation «locale», on tient compte tant des surfaces occupées et de leurs voisines (voir fig. 2 C). Le volume de bois est alors estimé en divisant la somme des volumes par la somme des aires concernées.

La figure 4 montre l’extrait d’un secteur dans la commune de Serneus où les méthodes ont été testées dans le cadre d’une étude pilote. Au terme d’une inspection des lieux avec des délégués du Service forestier, il a été principalement constaté que la résolution de la carte du peuplement doit être choisie de façon à ce que les limites qui y figurent puissent aussi être reconnues sur le terrain. La carte du peuplement de la figure 4 est le résultat d’un modèle perfectionné qui synthétise des peuplements similaires. La carte des volumes de bois représente la répartition de ces volumes en haute résolution et reflète une image réaliste de la répartition spatiale des volumes.

Difficultés

Les modèles à haute résolution de la hauteur de la végétation permettent de décrire la strate dominante en forêt. Les surfaces de rajeunissement par contre sont plus difficiles à saisir. Dans un tel MHV, une mégaphorbiaie peut produire un schéma semblable à celui d’un recrû. En outre, la régénération sous abri n’y est pas représentée. En revanche, les nuages de points du vol aérien «Full Wave Form LiDAR» contiennent aussi des points qui reflètent des objets sous abri. Il existe des approches permettant d’utiliser ces informations pour caractériser le couvert. D’autres approches permettent aussi, sur la base des données LIDAR, d’établir une distinction entre les feuillus, les résineux et chacune des essences. Dans ce cas, les experts utilisent entre autres les résultats des vols aériens au-dessus des arbres avec et sans feuillage ainsi que les valeurs d’intensité des impulsions laser qui varient avec le milieu reflété.

Pour une estimation fiable des données biométriques à l’aide d’un MHV, il importe de les combiner avec des valeurs locales terrestres afin d’apprécier à sa juste valeur l’influence des conditions du site. Dans le cas d’un inventaire par échantillonnage en deux phases, les informations déduites d’un MHV peuvent être couplées avec des estimations tirées des mesures terrestres en passant par un modèle de régression. Pour la surface restante, on peut alors procéder à une estimation pour n’importe quel point du MHV et la corriger avec les meilleures appréciations terrestres à l’aide du modèle de régression. Lors de l’estimation du volume de bois (et des données biométriques en général), l’erreur d’appréciation augmente à la mesure de la réduction de l’unité de surface choisie pour cette opération. Une haute résolution spatiale avec des unités de surface réduites, par exemple une carte des volumes, peut conduire à de plus grandes erreurs d’estimation. Si l’on veut déterminer le volume de bois pour une zone peu étendue (p. ex. un peuplement ou une ligne de câblage), il vaudrait donc mieux estimer toute la zone plutôt que d’additionner les valeurs (et ainsi donc les erreurs) extraites d’une carte des volumes de bois.

Les défis à relever

La représentation de la forêt sous forme de modèle de la hauteur de la végétation en 3D offre aujourd’hui la possibilité de relever automatiquement la structure de la forêt sous la forme abstraite d’un réseau d’arbres et d’en évaluer les caractéristiques. Cette nouvelle façon d’acquérir des informations pose trois défis au monde de la pratique:

    • Le premier défi consiste à instaurer la confiance en des méthodes totalement différentes de ce que l’œil humain peut percevoir sur des photos aériennes. Ces méthodes permettent de relever des caractéristiques sur un réseau en appliquant des règles de calcul. Ceci nécessite une compréhension fondamentale de la base de données, de la représentation de la forêt qui en découle et des règles appliquées pour y parvenir. Un pont est en outre jeté vers la recherche afin de perfectionner les méthodes dans un échange réciproque.
    • Le deuxième défi réside dans la gestion du nouveau matériel cartographique qui décrit les caractéristiques de la forêt en haute définition et non plus sous forme de moyennes par peuplement – des peuplements qui peuvent être très étendus en forêt de montagne. Ainsi, la répartition spatiale des arbres peut être caractérisée de façon plus réaliste, comme le montre la carte des volumes de bois (fig. 4). Lorsqu’il faut avoir une vue d’ensemble, les surfaces aux caractéristiques semblables peuvent être regroupées automatiquement en unités de plus grande taille qui permettront alors d’estimer au mieux les objets en question (p. ex. le volume de bois).
    • Le troisième défi réside dans la possibilité de mesurer les changements en forêt au cours du temps à l’aide de relevés répétés d’un MHV. Cette information spatio-temporelle pourrait être utilisée à grande échelle pour contrôler l’efficacité des mesures mises en œuvre. Elle pourrait être complétée avec des données de terrain là où celles d’un MHV ne sont pas assez pertinentes (p. ex. pour l’évaluation des recrûs). L’acquisition d’informations réalistes pour l’économie forestière à partir des modèles de la hauteur de la végétation exige un degré élevé de compétence, tant dans la modélisation SIG qu’en matière de statistique. Cela implique une intégration de ces domaines spécifiques dans la formation afin préparer les spécialistes de demain à assumer leur rôle d’intermédiaire entre la recherche et la pratique.

      Traduction: Monique Dousse