Le bois est occasionnellement utilisé comme matériau de construction dans l’aménagement des torrents. La longévité de ces constructions est toutefois généralement plus courte que celle des barrages en pierre ou en béton, notamment sous l’action des champignons xylophages, c’est-à-dire décomposeurs du bois. Il est donc important de vérifier régulièrement leur état. Les relations entre l’essence utilisée, le type de construction et la longévité sont mal connus et des questions restent ouvertes chez les praticiens.
C’est dans ce contexte qu’un ensemble d’ouvrages ont été construits en 1996/97 à Hergiswil, dans le canton de Nidwald (fig. 1, à gauche). Le service forestier a adopté pour l’essentiel le type et l’agencement des ouvrages proposés alors par le WSL. Un des volets du projet consistait à décrire l’évolution de la résistance du bois et sa colonisation par des champignons xylophages.
Cet ensemble d’ouvrages situé dans un affluent du Steinibach, comporte 15 barrages construits en alternance en bois d’épicéa et de sapin, écorcé et non écorcé. Chaque barrage est constitué d’un caisson de bois à double paroi avec bourrage au moyen d’un billon entre les pinces ainsi que d’ailes constituées de gabions (Fig. 2). Tous les barrages se situent sur un court tronçon du lit du torrent et ont été installés en même temps. Certains facteurs influençant d’habitude fortement la longévité, par exemple l’altitude, l’exposition ou l’âge des barrages, peuvent donc ici être relégués au second plan.
Fig. 2 - Structure d’un barrage et dispositif d‘observation. Les données issues de l’appréciation qualitative de la résistance du bois, des mesures de la résistance au forage ainsi que de la présence de champignons ont été attribuées aux zones 1 à 7 indiquées sur l’illustration.
Examen périodique de la résistance du bois
Après la clôture des travaux au printemps 1997, les spécialistes du WSL ont relevé périodiquement l’état des ouvrages tous les un à trois ans. Ils ont également inventorié les champignons xylophages, d’une part en notifiant la position sur le barrage des fructifications visibles à l’œil nu (fig. 2) et d’autre part en examinant la résistance du bois de tous les éléments de la construction, environ tous les 50 cm. A cet effet, ils ont enfoncé un tournevis dans le bois et mesuré la profondeur maximale de pénétration.
Pendant l’automne 2010, les chercheurs ont en outre relevé l’état du bois lors d’une campagne unique de mesures de résistance au forage à l’aide d’un résistographe. Cet appareil indique la consommation de courant pendant la pénétration d’une mèche fine dans le bois. La valeur obtenue est fortement corrélée à la densité du bois et donc à sa résistance. Il s’est alors agi de noter sur quelle longueur le forage s’est déroulé avec une résistance moindre, par rapport à la résistance observée dans du bois sain.
Colonisation par les champignons responsables de la pourriture
Lors du dernier inventaire en 2013, 16 ans après la construction des barrages, tous les ouvrages étaient encore en parfait état de fonctionnement. La plus grande partie de l’écorce des épicéas et des sapins s’était déjà détachée cinq ans après la construction. Les premières fructifications sont apparues sur les barrages trois ans après leur mise en service (schizophylle commun et lenzite des clôtures, fig. 3). D’autres champignons encore sont apparus les années suivantes, notamment dans la zone d’ancrage de la longrine supérieure (armillaire, tramète bleu azuré, lenzite des clôtures et tramète odorant, fig. 3). Au fil du temps, 18 espèces de champignons différentes ont été observées.
Sur le bois mort, les champignons responsables de la pourriture se succèdent en règle générale dans un ordre donné. La destruction du bois passe par une phase initiale, puis optimale et enfin finale, parallèlement à la perte de résistance du bois. Cette succession a été également observée sur les barrages étudiés.
Cependant, trois ans après la construction déjà, les premiers représentants de champignons potentiellement xylophages de la phase optimale sont apparus sur deux barrages. Dans ces deux cas, la phase initiale réunissant des représentants des moisissures et des myxomycètes ainsi que des ascomycètes et du genre stereum n’a été que de courte durée. Après sept ans déjà apparaissait le polypore vitreux (Physisporinus vitreus), une pourriture blanche appartenant possiblement à la phase finale.
Mesure de la résistance du bois
Quatre ans après la construction des barrages, l’appréciation de la résistance à la pénétration à l’aide d’un tournevis indiquait déjà des signes ponctuels de décomposition du bois. Les années suivantes, la décomposition a progressé lentement. Seuls deux ouvrages ne comportaient encore aucune zone de pourriture lors du dernier inventaire en août 2013. Sur les bords des autres barrages, la résistance du bois était beaucoup plus souvent réduite (80% des cas) que dans le profil d’écoulement constamment saturé d’eau (20%). Dans l’ensemble, les zones de pourriture sont apparues principalement dans le haut du barrage. Il n’y en avait pratiquement pas au pied des ouvrages.
Après 15 ans, les différences de résistance entre les barrages en épicéa et ceux en sapin n’étaient pas clairement perceptibles. Les bois écorcés indiquaient davantage de zones de pourriture que les bois non écorcés, notamment pour l’épicéa.
Lors des mesures de la résistance au forage, seuls 29 des 315 sondages (6%) indiquaient une résistance amoindrie et parmi eux, seulement six se trouvaient dans la zone du déversoir. Parmi les longrines supérieures, 90% de la longueur totale de forage présentant une diminution de résistance était située sur les côtés. Les réductions de résistance au forage les plus fortes ont été trouvées dans les barrages en épicéa écorcé, et les plus faibles avec l’épicés non écorcé. Les barrages en sapin non écorcé sont tendanciellement plus touchés par la pourriture que ceux en sapin écorcé. Les forages indiquent que l’état du bois est meilleur au pied du barrage que sur les longrines supérieures. Malgré quelques petites différences, l’état des barrages en épicéa et ceux en sapin sont comparables dans l’ensemble.
Fig. 4 - Barrage en bois arrosé d’un seul côté. Les champignons attaquent la partie mal arrosée plus rapidement que l’autre. Photo: Christian Rickli (WSL)
Fig. 5 - Barrage en bois bien arrosé sur toute sa largeur (Gasenzenbach, Gams SG). Photo: Christian Rickli (WSL)
Connaissez-vous d’autres barrages en bois?
Les observations sur la colonisation du bois par les champignons de la pourriture et sur la résistance du bois ont démontré que la saturation en eau sur la totalité du tronc réduit nettement le développement des champignons xylophages (fig. 5). Mais cette étude n’a pas encore répondu clairement à la question de savoir s’il faut préférer l’épicéa ou le sapin, ou le bois écorcé ou non écorcé. Avec les données obtenues sur la résistance du bois et la résistance au forage sur l’ensemble des barrages, on observe tendanciellement une influence négative de l’écorçage sur la résistance du bois.
Pour parvenir à des conclusions statistiquement fiables, il faudrait observer les barrages sur une période plus longue et y ajouter des observations sur d’autres sites. Les objets à étudier devrait comporter au moins une douzaine de barrages. Les auteurs remercient d’avance toute personne qui pourrait les informer de la présence de tels ouvrages.
Traduction : Philippe Dumont