Évaluation de l’efficacité de mesures de restauration de la continuité écologique

Le succès de mesures de restauration de la continuité d’un cours d’eau, ou encore leur efficacité écologique, dépend de différents facteurs. Si l’on dispose d’informations concernant la qualité de ces facteurs, on est en mesure d’évaluer de manière relativement précise quels sont les cours d’eau ou les tronçons de cours d’eau sur lesquels des mesures de restauration de la continuité peuvent être couronnées de succès. En vue d’une application pratique, les facteurs ont été repris dans un tableau (annexe 1) susceptible d’être un outil d’aide à la décision. Afin d’évaluer l’efficacité écologique de mesures de restauration de la continuité, on s’est efforcé d’étudier des tronçons de cours d’eau le plus longs possibles (plusieurs kilomètres). Le fait de disposer, en préparation d’un chantier sur un ouvrage donné, d’une évaluation de l’efficacité écologique peut permettre de déterminer son degré de priorité et d’agir en conséquence. Etant donné que les budgets à la disposition des services concernés sont limités, cet aspect de la priorisation revêt une importance particulière : on se concentrera tout d’abord sur les chantiers qui promettent un maximum d’efficacité.

La détermination de l’efficacité écologique de mesures de restauration de la continuité se base sur l’évaluation des six facteurs suivants:

  • la qualité chimique de l’eau
  • la qualité du cours d’eau (son degré de saprobie)
  • les contraintes morphologiques et structurelles
  • les contraintes hydrologiques
  • le caractère naturel de l’environnement du cours d’eau
  • la distance jusqu’au prochain obstacle à la continuité en amont et en aval.

L’ordre dans lequel les éléments sont listés ci-dessus indique déjà un ordre de priorité. Il indique l’importance de chacun des facteurs pour l’efficacité écologique. La qualité chimique de l’eau et la qualité du cours d’eau sont des facteurs de premier ordre. Des mesures de restauration de la continuité ne sont réellement efficaces que sur les sites dans lesquels la qualité de l’eau et la qualité du cours d’eau sont proches des valeurs de référence du milieu naturel. On applique donc le principe suivant : « la qualité de l’eau est une condition préalable à la mise en place de mesures de continuité. » En annexe 1, le tableau comprend une liste correspondante dans sa partie supérieure. Pour chaque facteur, il est indiqué dans quelles conditions les mesures de restauration de la continuité seront considérées soit prioritaires, soit secondaires. Dans les paragraphes suivants, l’importance des différents facteurs est expliquée en détail.

La qualité chimique de l’eau

Dans les cours d’eau forestiers, une mauvaise qualité chimique de l’eau est principalement due à l’acidification anthropogène des cours d’eau (pluies acides). Cette acidification est constatée dans les zones où les sols présentent une faible capacité de compensation. La situation des cours d’eau acidifiés par des influences anthropogenes s’est légèrement améliorée depuis le milieu des années 80. La base de cette amélioration est la réduction des émissions d’éléments polluants dans l’air, en particulier le dioxyde de soufre. L’acidification des cours d’eau peut être réduite par des mesures locales. Les amendements calcaires n’apportent que des résultats à long terme.

La qualité des cours d’eau

La qualité de cours d’eau (le degré de saprobie = charge d’une eau en microorganismes qui dégradent les substances organiques) en milieu forestier correspond à la qualité optimale de l’eau à laquelle on peut s’attendre pour la plupart des cours d’eau de montagne, c’est à dire la qualité I ou II. Chaque fois qu’un cours d’eau traverse non seulement une surface forestière mais aussi une surface agricole, on peut s’attendre à ce que les taux de contrainte soient plus élevés du fait de l’apport de nutriments. Des contraintes importantes peuvent être également générées par le déversement d’eau issue d’étangs à poissons et de stations d’épuration.

Les contraintes morphologico-structurelles et hydrologiques

Les contraintes morphologico-structurelles se rapportent aux interventions réalisées sur le linéaire, le profil longitudinal et transversal, ainsi qu’aux consolidations du fond et des berges. Les interventions réalisées sur le linéaire, le profil longitudinal et transversal sont, en milieu forestier, principalement occasionnés par la construction de chemins et routes. Lorsqu’un chemin forestier est construit au fond d’un vallon ou d’une vallée étroite, le cours d’eau est contraint de céder la place, c’est à dire de réduire la largeur de son lit. Le lit du cours d’eau adopte alors souvent une forme plus encaissée. Le raccourcissement du linéaire et la réduction de la largeur entraîne une érosion en profondeur pour les cours d’eau dont le fond est composé d’un substrat mobile. En conséquence, il se forme des chutes au niveau du fond, ces chutes sont pour les petits organismes et les espèces piscicoles des obstacles infranchissables.

Sur les tronçons des cours d’eau situés en milieu forestier, on rencontre de nombreux ouvrages de pierre et de bois, issus de l’exploitation traditionnelle des cours d’eau pour le flottage du bois. En milieu forestier, on rencontre également de petits ouvrages d’irrigation des prés, à savoir aux endroits où les prés devenus insuffisamment rentables ont été remplacés par une exploitation forestière. Si le gestionnaire forestier prévoit la modification ou même la destruction d’un de ces ouvrages, il convient de tenir compte des limitations imposées aux travaux de restauration de la continuité et rappelées au tableau de l’annexe 1 sous la rubrique « monuments historiques ».

A proximité d’étangs à poissons, la principale raison pour les contraintes hydrologiques est la présence d’une retenue d’eau. En fonction des dimensions de l’ouvrage, on peut assister à un changement complet du milieu : le cours d’eau n’a plus de dynamique propre, l’eau devient stagnante, il en résulte une interruption de la continuité pour les organismes vivants des eaux vives.

Influence sur le caractère naturel de l’environnement du cours d’eau

L’influence sur le caractère naturel de l’environnement d’un cours d’eau peut entraîner des limitations aux travaux de restauration de la continuité. Sur les tronçons de ruisseaux situés en milieu forestier, il doit être envisagé de retarder ou même d’annuler certains travaux si le cours d’eau est bordé de chemins forestiers sur une ou sur les deux berges et si le lit présente principalement un état éloigné du naturel. Ceci est également applicable à un linéaire bordé de peuplements composés exclusivement de résineux sur une grande longueur.

Distance jusqu’au prochain obstacle à la continuité en amont et en aval.

Autre facteur important : la position des travaux prévus pour restaurer la continuité par rapport au prochain obstacle à la migration, que ce soit vers l’amont ou vers l’aval. Ceci s’applique particulièrement pour des travaux ponctuels qui concernent un réseau de cours d’eau sur une grande surface. Si les travaux de restauration de la continuité sont réalisés sur des obstacles situés à une grande distance du prochain obstacle vers l’amont ou l’aval, ces travaux profiteront principalement aux espèces qui parcourent de grandes distances lors de leurs migrations dans le cours d’eau. Pour ces espèces, il est particulièrement important de restaurer la continuité en priorité là où l’efficacité écologique escomptée est la plus grande en ce qui concerne le maintien et le développement d’un peuplement biologique typique d’un cours d’eau.

Des travaux de restauration de la continuité dans la partie aval d’un cours d’eau peuvent être avantageux si les tronçons de cours d’eau situés en amont – dans le cas idéal, jusqu’à la source – sont exempts d’obstacles. Les mesures de restauration de la continuité aux embranchements des petits confluents permettent principalement de faciliter l’accès des populations piscicoles juvéniles vers les zones de ponte et de croissance. De telles mesures revêtent une importance particulièrement grande. L’influence exercée sur les populations piscicoles peut, dans de nombreux cours d’eau, être réduite voire même supprimée si l’on améliore l’accès de ces populations à des zones adaptées à la ponte et à la croissance.

Si on a constaté la disparition de la population piscicole en amont d’un obstacle à la continuité, il convient tout d’abord d’en expliquer les raisons. Parmi les raisons anthropogènes, on considérera en premier lieu la pollution du cours d’eau. Si l’on peut partir du principe que les contraintes anthropogènes disparaîtront en grande partie à l’avenir, il peut être particulièrement efficace d’ouvrir les tronçons présentant une population piscicole nulle à la migration naturelle. Les influences naturelles font que, lorsqu’un cours d’eau a tendance à s’assécher, la population piscicole a tendance à disparaître – ceci étant moins fréquent en période de forte crue. Généralement, suite à de telles catastrophes, une repopulation ne peut être assurée que par les populations piscicoles vivant en amont, du fait de la présence de nombreux obstacles.

Pour ce qui est de la mise en œuvre de mesures de restauration de la continuité, on se pose parfois la question de savoir comment traiter un système hydrologique qui est séparé plus ou moins durablement d’un large réseau de cours d’eau franchissables. Cela est par exemple le cas pour une retenue qui rend tout franchissement impossible en direction de l’amont du cours d’eau. Une telle situation ne revêt pas d’importance particulière pour les espèces biologiques, à l’exception de celles migrant sur de longues distances, tant que le système hydraulique situé en amont de l’obstacle représente, du fait de son étendue, un biotope suffisant. C’est justement dans le cas de tels cours d’eau que la continuité joue un rôle particulièrement important pour le maintien des populations piscicoles présentes sur le site.

Le tableau présenté en annexe 1 comprend, entres autres, des indications concernant les limites imposées aux mesures de restauration de la continuité. Ces limites se rapportent principalement à la protection des espèces menacées et à la conservation des monuments historiques. Il est important de tenir compte de ces indications. Si les informations dont on dispose sur les populations d’écrevisses et de moules s’avèrent insuffisantes, il est nécessaire de collecter les informations correspondantes auprès des autorités responsables de la pêche, de la protection de l’environnement ou d’experts biologistes ayant étudié la région.

Lors de la définition et de la conduite de travaux de restauration de la continuité, il est important de tenir compte des dispositions légales concernant la protection de la nature et de l’eau. Les travaux prévus en vue de la restauration de la continuité doivent systématiquement faire l’objet d’une communication auprès des autorités responsables de la gestion de l’eau. La possibilité de réaliser les travaux de restauration de la continuité dans le cadre de travaux d’entretien des cours d’eau peut être envisagée selon les cas. Pour plus d’informations à ce sujet, prière de se référer à la communication « Travaux de restauration de la continuité – élargissement ou entretien des cours d’eau ? », également disponible sur le site Internet.

Exemples d’utilisation de l’outil d’aide à la prise de décision

L’objet des exemples suivants est de présenter comment l’outil d’aide à la prise de décision peut permettre de déterminer sur quels cours d’eau ou sur quels tronçons les travaux de restauration de la continuité peuvent être considérés comme prioritaires ou non prioritaires :

Exemple n°1:

Il s’agit d’un ruisseau de moyenne montagne, morcelé par divers obstacles à la migration, mais qui présente un état proche du naturel en ce qui concerne ses structures morphologiques. On prévoit ici la restauration de la continuité. On est toutefois en présence d’un ruisseau fortement acidifié (pH se situant en moyenne en-dessous de 5,5 tout au long de l’année) et dans lequel la croissance d’espèces piscicoles et de la faune benthique rencontre des conditions défavorables liées à la qualité chimique du cours d’eau. La conclusion de l’étude est que la conduite de travaux de restauration de la continuité n’est pas suffisamment efficace sur ce ruisseau.

Exemple n°2:

Sur un ruisseau de moyenne montagne, la modification de deux obstacles à la migration doit permettre de rétablir la continuité, de la source jusqu'à l’embouchure. Le long du ruisseau, se trouvent un certain nombre d’étangs à poissons, exploités de manière intensive. Sur un ruisseau voisin, il s’agit de supprimer ou de modifier cinq obstacles à la migration pour rétablir la continuité, de la source jusqu'à l’embouchure. L’étude a permis de conclure que la priorité devait être donnée au ruisseau comportant cinq obstacles. Le ruisseau comportant seulement deux obstacles présente, du fait du déversement d’une eau chargée en éléments organiques en provenance des étangs à poissons, un niveau de qualité de l’eau inférieur au niveau II. Comme il n’est pas à prévoir que la qualité de l’eau s’améliore nettement dans un avenir proche, ce cours d’eau n’est pas considéré comme prioritaire pour la conduite de mesures de restauration de la continuité.

Références

SCHABER-SCHOOR, G. (2007): Kleine Gewässerläufe im Wald – Grundlagen für den Erhalt und die Entwicklung naturnaher Bachläufe in bewirtschafteten Wäldern. Schriftenreihe Institut für Landepflege, Culterra 49, Freiburg, 247 S. u. Anhang

A télécharger

  • Annexe 1 - Document d’aide à la prise de décision disponible sous format PDF (63KB)

Traduction

  • dialogos GbR
  • 79100 Freiburg