Certains animaux échappent au froid glacial hivernal en migrant vers le sud. Les oiseaux migrateurs effectuent de longues distances jusqu’en Afrique, alors que d’autres venant du Grand Nord se satisfont des hivers relativement doux qui règnent chez nous. Quelques mammifères figurent également parmi ces voyageurs. La pipistrelle de Nathusius en provenance du nord-est de l’Europe passe l’hiver en Europe centrale. Elle aime hiberner dans les tas de bois et les arbres creux.
Des forestiers emplumés
Les oiseaux qui passent l’hiver chez nous (oiseaux sédentaires) ont besoin de stratégies particulières de survie. Deux espèces ont une importance particulière pour la forêt : le geai des chênes et le casse-noix moucheté. Ils enterrent leurs stocks de nourriture dans le sol en hiver, à la plus grande satisfaction du forestier !
Le casse-noix moucheté s’est spécialisé en graines d’aroles, qu’il prélève dans les cônes grâce à son bec robuste semblable à celui d’un corbeau et emmagasine dans son jabot. Dès que celui-ci est rempli, il cherche un endroit approprié pour enterrer ses réserves énergétiques. En général, une cachette contient de deux à douze petites graines plus calorifiques que du chocolat. En trois à quatre mois, cet oiseau diligent peut constituer jusqu’à 20'000 cachettes.
En hiver, le casse-noix moucheté retrouve ses réserves dont il se souvient avec une précision étonnante. Il possède en effet un sens de l’orientation géométrique extrêmement précis et arrive à mémoriser la distance de ses cachettes par rapport aux arbres, aux rochers et autres repères du paysage. Il lui suffit d’un seul essai pour retrouver son stock même sous un manteau neigeux de plus d’un mètre et récupère ainsi quelque 80 % de ses provisions.
Les graines d’aroles qui n’ont pas été retrouvées sont parfaitement plantées entre 0,5 et 5 cm de profondeur. Dans des conditions satisfaisantes, elles germent dès le printemps suivant. Dans une forêt d’aroles naturelle, on estime que 90 % de tous les arbres sont issus d’une cachette du casse-noix moucheté. Il contribue ainsi, année après année, à rajeunir les forêts d’altitude. Le casse-noix moucheté est également présent dans les forêts sans aroles. En ce cas, ses réserves sont constituées principalement de noisettes.
Fig. 2 - Le geai des chênes, un forestier en habit de gala. Photo: pegasus2
Pour le geai des chênes, le principe est le même, mais comme son nom l’indique, principalement avec des glands, ou parfois avec des faines. Pour le reboisement de chablis, il arrive que le geai des chênes soit mis à contribution volontairement par les forestiers. Des « tables pour geais » en bois sont montées, et couvertes de glands. Le geai peut enterrer quelque 5000 glands pour l’hiver. Il retrouve un pourcentage de ses réserves équivalent à celui du casse-noix moucheté.
Alors que ce dernier a été mis sous protection dès les années 1960 pour son « engagement », et qu’il est célébré comme planteur d’aroles, le geai des chênes est moins félicité. Des milliers d’entre eux succombent en effet sous les tirs des chasseurs. Cependant, les populations restent stables et nous pouvons profiter, également dans nos forêts mixtes, de ces forestiers emplumés.
Chaque milligramme compte
Fig. 3 - Hérisson peu avant l’entrée en hibernation. Il peut également l’interrompre en cas de perturbation.
Photo: Doris Hölling (WSL)
L’hibernation est une des premières stratégies de survie hivernale qui nous vient à l’esprit pour nos animaux sauvages. Pourtant, le terme « hibernation » implique certaines adaptations physiologiques de l’animal, c’est pourquoi quelques espèces qualifiées d’hibernantes par le grand public ne le sont pas réellement.
Les vrais hibernants sont toutes les chauves-souris, le hérisson ainsi que quelques représentants des rongeurs, notamment la marmotte et la famille des loirs, à laquelle appartient également le muscardin. Ils réduisent pendant le sommeil la température de leur corps à quelques degrés Celsius au-dessus de zéro. La fréquence cardiaque et respiratoire est abaissée au maximum pour maintenir la dépense énergétique à un niveau aussi bas que possible. Lorsque la température corporelle passe sous le seuil minimal propre à l’espèce, il peut arriver que les animaux se réveillent et se déplacent pour générer de la chaleur.
Une production de chaleur sans mouvement, en brûlant les graisses brunes des tissus, peut maintenir la température au niveau nécessaire et sauver les animaux de la mort par hypothermie. C’est une des différences avec la torpeur hivernale, qui n’implique pas de régulation de la température corporelle. La plupart des insectes, reptiles, amphibiens, escargots, vers et poissons se retrouvent dans cet état en hiver. Les sucres emmagasinés servent d’antigel et évitent pour ces animaux à sang froid le gel des fluides corporels.
Le muscardin, qui hiberne pendant sept mois dans le nid qu’il a construit dans un endroit abrité sur le sol, double de poids à l’automne en constituant une couche de graisse. Pour ce petit loir, chaque milligramme de graisse compte pour survivre à l’hiver, qui signe l’arrêt de mort d’une grande partie des muscardins (70 à 80 %). Pour les animaux de cette taille, la survie pendant l’hiver constitue un défi particulier. Le rapport élevé entre la surface et le volume du corps entraîne des pertes de chaleur plus importantes que celles des animaux plus gros, et donc une chance inférieure de survie. Au cours de l’évolution, ces impératifs physiques ont conduit de nombreux mammifères et oiseaux des régions froides à avoir une taille plus importante que leurs semblables des régions plus chaudes.
L’hivernation
Fig. 4 - L’écureuil n’est visible en hiver que s’il fait beau temps.
Photo: Hans Lozza (SNP)
D’autres mammifères ont également en hiver un besoin de sommeil accru. On n’emploie pas pour eux le terme « hibernation », car on n’observe pas d’adaptations physiologiques, ou alors beaucoup moins marquées.
On observe chez l’écureuil un « repos actif ». À l’automne, lorsque les graines, fruits et champignons sont présents en abondance, il constitue ses réserves. Les cônes et noix sont enterrés au pied de grands arbres, ou plus rarement dans des nids abandonnés ou des arbres creux. Il peut arriver que l’écureuil soit espionné par un geai astucieux qui viendra se servir dans ses réserves. Les écureuils peuvent même suspendre des champignons à des petites fourches de branches afin de les sécher pour une consommation ultérieure.
À l’arrivée de l’hiver, son activité va dépendre du temps. Il ronfle dans son nid quand il fait mauvais, et lorsqu’il fait beau, il réapparaît pour retrouver ses réserves enterrées. Contrairement au casse-noix moucheté ou au geai des chênes, l’écureuil ne se souvient pas exactement de ses cachettes, mais ratisse systématiquement les endroits appropriés. Il peut donc éventuellement piller les réserves d’un de ses semblables ou d’un geai.
Les ongulés sauvages à la diète
Fig. 5 - Cervidés dans un paysage hivernal
Photo: Marco Walser (WSL)
Fig. 6 - Un magnifique cerf à la recherche de nourriture en hiver.
Photo: Ulrich Wasem (WSL)
Les bouquetins recherchent en hiver les versants raides exposés au sud qui leur permettent d’accéder plus facilement à la nourriture sous le manteau neigeux. Les daims et les cerfs descendent pour la même raison à des altitudes inférieures et sont donc plus souvent présents au fond des vallées. La nourriture en hiver et très peu énergétique, elle consiste principalement en fibres brutes, alors qu’au printemps et en été, des bourgeons riches en protides et en lipides sont au menu. Comment les cervidés sont-ils en mesure de passer un hiver sans adaptations évidentes ? Cette question est longtemps restée sans réponse pour les biologistes.
En mode économie d’énergie
Grâce aux systèmes télémétriques modernes et à des petits émetteurs implantés sur les animaux, il a été possible de percer le secret de la survie du cerf pendant l’hiver. Il dépense alors moins d’énergie que pendant l’été en adoptant des phases de repos pendant lesquelles sa température corporelle de surface s’abaisse fortement. Sa fréquence cardiaque descend alors à moins de 30 battements par minute, métabolisme et mouvements ralentissent. Ces adaptations physiologiques sont semblables à celle d’un loir, mais les cerfs ne s’endorment pas pour plusieurs mois, et adoptent un mode d’économie d’énergie huit à neuf heures par jour.
D’autres études ont démontré que des adaptations similaires sont mises en œuvre par le bouquetin. L’offre de nourriture naturelle a également un impact sur le bilan énergétique. Pour assimiler les fibres brutes, il a besoin de moins d’énergie. Des micro-organismes s’occupent de la décomposition de la cellulose dans la panse. La nourriture riche en lipides et en protides, qui est considérée généralement comme plus facile à digérer, activerait le métabolisme et rendrait impossibles les phases de repos. Une constatation importante pour la gestion des animaux sauvages : il faut absolument éviter une alimentation hivernale à haute teneur énergétique. La nourriture riche en protides fait passer les animaux en mode estival et peut entraîner une activité d’abroutissement et d’écorçage, car les périodes de repos sont écourtées et le besoin accru en énergie doit être comblé.
La prudence est de mise
Qu’ils dorment, se reposent ou restent actifs, les animaux sauvages se trouvent à la période froide sur une lame de rasoir entre la vie et la mort. L’hiver, du point de vue de la biologie de l’évolution, joue pour de nombreuses espèces la fonction importante de goulot d’étranglement dans la sélection naturelle. Seuls les individus forts et en bonne santé peuvent survivre et assurer ainsi la pérennité de l’espèce. Notre comportement peut perturber les mécanismes délicats de la survie en hiver. Il faut tenir compte de cette situation pour éviter les conséquences négatives sur les animaux et l’environnement.