Comme les températures augmentent au printemps, de nombreux phénomènes biologiques se produisent également plus tôt, par exemple la reproduction des oiseaux ou le début de la floraison et de la sortie des feuilles des arbres au printemps. L'homme observe ces événements naturels depuis des siècles, et les cinq séries chronologiques les plus longues au monde sont présentées ici. Elles concordent toutes de manière frappante avec l'accélération du réchauffement climatique à partir des années 1950, qui s'est à nouveau intensifié dans les années 1980.
La série de loin la plus longue est celle de la floraison des cerisiers à Kyoto, au Japon, un événement culturel important dont le début est enregistré depuis 812 après J.-C. En Europe, le record est détenu par la famille Marsham, qui a enregistré la sortie des feuilles de plusieurs essences feuillues dans le sud-est de la Grande-Bretagne de 1736 à 1958. Non loin de là, une citoyenne remarquable, Jean Combes, observe et enregistre l'apparition des feuilles des chênes et d'autres espèces d'arbres depuis 1950, permettant d’allonger la série de la famille Marsham. «La contribution des citoyens à ces longues séries est inestimable», déclare l'auteur principal, Yann Vitasse, de l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL.
Pas moins de deux des cinq séries chronologiques émanent de Suisse : le Grand Conseil de la République et canton de Genève observe le débourrement du premier bourgeon d’un marronnier d'Inde (le Marronnier de la Treille) chaque année depuis 1808, et le Landwirtschaftliches Zentrum Ebenrain et MétéoSuisse observent la floraison d’un cerisier sauvage dans le canton de Bâle-Campagne depuis 1894.
Fig. 2 - Les cinq séries temporelles les plus longues au monde: c) Début de floraison de cerisiers sauvages à Liestal, BL (1894-2020), d) Début de floraison de trois arbustes en Chine (1834-2020), e) Date de débourrement d'un marronnier d'Inde à Genève (1808-2020), f) Sortie des feuilles de chênes pédonculés en Grande-Bretagne de la famille Marsham (orange foncé ; 1736-1958) et J. Combes (orange clair ; 1950-2020), g) Début de la floraison des cerisiers Yamazakura à Kyoto, Japon (1500-2020). L'axe de gauche indique le jour de l'année où les bourgeons des arbres ou les fleurs s’ouvrent. Les lignes fines grises représentent la variabilité interannuelle, les lignes épaisses sont les moyennes mobiles calculées sur dix ans. Figure: Yann Vitasse (WSL)
La feuillaison et floraison ont lieu de 6 à 30 jours plus tôt
En moyenne dans ces séries, la sortie des feuilles et la floraison au cours de la période de 1985 à 2020 ont commencé six (en Chine) à 30 jours (en Suisse) plus tôt qu'avant 1950. Particulièrement impressionnant : la floraison des cerisiers en 2021 au Japon a commencé plus tôt que jamais au cours des 1200 dernières années. Pourtant, ces cinq séries temporelles ne sont même pas situées dans les régions du monde où le climat s'est le plus réchauffé, comme en Asie centrale. «Là-bas, le décalage temporel des événements du cycle de vie des organismes devrait être encore plus extrême», remarque Yann Vitasse.
Les séries temporelles de la floraison et de l’ouverture des bourgeons au printemps sont non seulement des indicateurs intéressant pour la science, mais sont aussi des phénomènes facilement observables par le grand public, y compris par les enfants. «Il s'agit d'indicateurs concrets et tangibles de l'accélération du changement climatique», déclare Vitasse.
Par conséquent, la phénologie, comme on appelle la science qui étudie les processus biologiques en relation avec les fluctuations saisonnières du climat, pourrait être un très bon outil pour communiquer au sujet de l'impact du changement climatique sur les organismes vivants et sensibiliser les politiciens et les générations futures à l'urgence des changements climatiques actuels et de leur répercussions sur le monde vivant, selon les scientifiques.
Article original scientifique
Vitasse, Y., Baumgarten, F., Zohner, C.M. et al. The great acceleration of plant phenological shifts. Nat. Clim. Chang.12, 300–302 (2022). https://doi.org/10.1038/s41558-022-01283-y