Surfaces de référence futures: une conquête complexe

Dans la planification forestière actuelle, l’exploitation des potentiels de gain d’efficacité et des synergies au sein des organisations forestières gagne en importance. Un des points est de savoir comment diviser une surface forestière en unités judicieuses pour planifier, mettre en oeuvre et contrôler sa gestion.

Les planificateurs et planificatrices de chaque échelon ont des exigences propres, des idées et des préceptes quant à la façon dont la forêt doit être divisée et planifiée. La masse croissante de données numériques disponibles offre des informations de plus en plus précises potentiellement à intégrer.

L’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) s’emploie à développer une méthode objective et applicable à la plus vaste étendue possible, qui permette de délimiter automatiquement des unités de surface dans un but précis. Bases de planification, ces unités doivent reposer sur des critères objectifs qui puissent être combinés individuellement et être adaptés aux conditions de chaque exploitation. Après un an de travail et un atelier réussi, les participants au projet tirent un premier bilan positif: la méthode développée permet de délimiter des unités d’aménagement (UA) pour la zone forestière à planifier.

Afin d’évaluer les besoins, rassembler des savoir-faire et permettre des échanges, le WSL a organisé en avril dernier un atelier réunissant douze experts et expertes en planification forestière (Fig. 2). Différents groupes d’acteurs y étaient représentés, de l’échelon de l’entreprise à celui de la Confédération en passant par les responsables cantonaux et une délégation de l’enseignement et du secteur privé.

Des discussions plus approfondies ont eu lieu par la suite. Le résultat est un plus petit dénominateur commun des exigences fondamentales et des possibilités d’utilisation des UA. Si tous les participants et participantes soulignent, unanimes, l’utilité d’une division judicieuse de la forêt pour la planification stratégique et opérationnelle, les idées divergent beaucoup sur la forme concrète à donner à cette division.

La méthode développée au WSL permet d’agencer individuellement les critères pour délimiter une unité d’aménagement (UA) sur le principe du «jeu de construction». Suite à de nombreux échanges avec les experts et expertes de la pratique, les dix critères suivants ont été définis pour la délimitation des UA (voir figure 3 en bas):

1. concept de récolte du bois;
2. limites de transport;
3. limites administratives;
4. fonctions forestières;
5. point d’accès unique;
6. délimitations par des routes forestières;
7. accroissement/station forestière;
8. mélange des essences;
9. exposition;
10. nombre et taille des unités.

Cet ensemble permet de délimiter les UA en montagne comme en plaine, en forêts irrégulières comme dans d’autres formes de gestion, dans des parcellaires morcelés comme sur des grandes surfaces.

La réflexion avec les partenaires de terrain concernant la meilleure utilisation possible des UA a révélé un large éventail de possibilités. On peut distinguer principalement deux points de vue:

1. un point de vue stratégique: les UA constituent une possibilité de regrouper des surfaces autour d’un objectif sylvicole commun. La délimitation se fait sur la base des objectifs spécifiques, auxquels on peut ajouter des données spatiales sur les fonctions de la forêt, sur la géographie et l’infrastructure de la surface d’exploitation, pour, au final, parvenir à planifier des mesures conformes aux objectifs poursuivis. Cette application stratégique des UA trouve surtout un écho favorable dans les En avril dernier, des experts et expertes en planification forestière réunis en atelier ont discuté de la définition et de l’utilisation des UA. régions aux objectifs particuliers comme les réserves forestières spéciales, ainsi que dans les régions où coupes et débardage ne requièrent généralement pas de moyens aériens ou de câbles-grues;
2. un point de vue opérationnel: les UA permettent de délimiter des surfaces à l’intérieur desquelles des mesures techniques peuvent être prises de manière aussi indépendante que possible des unités environnantes (le périmètre étant déterminé par les routes forestières, les limites de transport, la topographie, etc.). Cette application opérationnelle des UA doit offrir aux intéressés une sorte de perspective aérienne dans les régions où la planification technique est très complexe, à l’exemple des terrains à la topographie compliquée.

Il serait souhaitable qu’une UA agrège les frontières des objectifs sylvicoles et les périmètres techniques; un tel mariage n’est pas toujours possible. L’exception est l’exploitation en forêt irrégulière, où l’UA recoupe en général directement l’unité de mesure et agglomère la stratégie sylvicole et les limites opérationnelles.

La méthode de délimitation des UA a été mise à l’épreuve sur deux exploitations tests très différentes, celle d’Albula dans le canton des Grisons et celle de Suhrental-Ruedertal en Argovie. La délimitation se fait en quatre étapes; elles ont été analysées avec les responsables de la planification (fig. 3).

L’exploitation forestière d’Albula se trouve en plein dans les Alpes. La plupart des interventions y sont réalisées par câble, ce qui implique une logistique complexe. La planification prévisionnelle de la desserte fine est d’autant plus essentielle.

Les UA doivent subsister pendant au moins quelques périodes de gestion; elles ont pour but de faciliter la planification opérationnelle dans ce terrain difficile. Dans cette exploitation, les deux critères selon la figure 3

1. «concept de récolte du bois», qui distingue les terrains exploités par câble des autres, et
2. «limites de transport», délimitant un concept de récolte du bois

définissent les frontières entre UA potentielles, et donc également celles entre unités de desserte fine sous-jacentes.

L’unité de desserte fine est une zone de la forêt à partir de laquelle le bois est débardé vers le même tronçon de route. Les unités de desserte fine sont définies en tenant compte des restrictions choisies parmi les critères 1 à 4. L’étape suivante consiste à regrouper les unités de desserte fine en fonction des critères restants 5 à 10 (fig. 3, 4ème étape).

Dans l’exploitation d’Albula, aucun autre critère n’a été choisi dans cet exemple. Les unités d’exploitation forestière doivent donc uniquement être compactes et contiguës. Le critère 10 («nombre/taille») doit être conservé comme choix optionnel pour les cas où les UA créées à partir des autres critères s’avéreraient trop petites.

L’exploitation Suhrental-Ruedertal se trouve sur le Plateau. Elle est responsable de la gestion des forêts de huit communes. Vu la topographie et la géologie des lieux, il est possible d’appliquer des méthodes de récolte du bois au sol sur pratiquement toute la surface de l’exploitation. Les opérations sont pour l’essentiel partiellement mécanisées, avec treuillage au sol.

Dans les forêts publiques de l’exploitation, la gestion obéit systématiquement au modèle de la forêt irrégulière. Unités de mesure calquées ici sur le cycle de la forêt irrégulière, les UA agrègent donc les points de vue stratégique et opérationnel (fig. 4). Les routes forestières ont été choisies comme limites d’UA. Une telle délimitation facilement
reconnaissable est aussi fort utile aux forestiers et forestières.