Les arbres et les arbustes dont la fraîche verdure nous a réjouis au printemps et en été se transforment en automne et jusqu’aux premières gelées en une mer de feuilles jaunes, rouges et brunes. Quel est le secret de ce changement de couleur?
Fig. 2. Feuille d’érable sycomore avec un début de jaunissement. Photo: Doris Hölling (WSL)
Fig. 3. Feuille de chêne rouge d’Amérique et sa coloration rouge typique. Photo: Doris Hölling (WSL)
Fig. 4. Route forestière recouverte de feuilles mortes. Photo: Thomas Reich (WSL)
Fig. 5. La chlorophylle a déjà disparu dans certaines parties de cette feuille de marronnier, faisant apparaître les autres pigments. Photo: Doris Hölling (WSL)
Fig. 6. Les feuilles du hêtre brunissent en automne et ne tombent qu’au printemps. Photo: Doris Hölling (WSL)
Fig. 7. Divers facteurs environnementaux entraînent la mort précoce de feuilles isolées. Photo: Doris Hölling (WSL)
Fig. 8. Le mélèze est le seul conifère indigène dont les aiguilles se colorent en automne avant de tomber. Photo: Doris Hölling (WSL)
Fig. 9. Décor automnal dans un jardin planté de nombreux feuillus. Photo: Doris Hölling (WSL)
Plusieurs causes expliquent la coloration automnale
La coloration hivernale permet aux feuillus de se préparer à la saison froide et pauvre en eau. Ce processus régulé par les hormones végétales (phytohormones) est déclenché par le raccourcissement des jours en automne et renforcé par la baisse des températures. Les jours plus courts et les premières nuits fraîches déclenchent dans les feuilles un processus de vieillissement régulé génétiquement. La chlorophylle, un pigment vert, devient inutile parce que la photosynthèse est réduite lorsque la luminosité diminue, c’est-à-dire que le métabolisme de la plante se met en veilleuse.
Le transfert de pigments entraîne un changement de couleur
Le feuillage des peupliers et des érables tourne au jaune, celui des chênes rouges d’Amérique étonne par sa rutilance. Le feu d’artifice que nous offre la forêt chaque automne est dû en premier lieu à une modification des proportions des pigments dans les feuilles. Au printemps et en été, c’est le pigment vert qui domine, c’est-à-dire la chlorophylle, indispensable pour la photosynthèse. Il masque les autres pigments, qui sont révélés lorsqu’il disparaît en automne: les caroténoïdes (jaunes, oranges, rouges), les xanthophylles (jaunes) et les anthocyanes (rouges, violettes, bleues) sont mises en valeur et causent les impressionnantes couleurs du feuillage – notamment jaunes. Tout comme la chlorophylle, ces pigments étaient nécessaires à la photosynthèse et toujours présents dans les feuilles.
La couleur brune n’apparaît qu’à la mort de la feuille. Le changement de couleur est également lié au fait que des éléments minéraux sont dégradés et des éléments importants comme le phosphore, le fer, le potassium et l’azote sont déplacés vers les parties vivantes du tronc, des branches et des racines. L’azote est une denrée particulièrement rare pour les plantes.
Les éléments importants sont stockés
Pour éviter des pertes en chlorophylle, la plante la fractionne en plus petits composants, qu’elle extrait des feuilles pour les stocker dans le tronc, les rameaux, ou les racines jusqu’au printemps suivant, lorsque les nouvelles feuilles auront à nouveau besoin de ce pigment vital. Les autres pigments sont moins précieux et ne sont qu’en partie dégradés. Ceci explique que le jaune domine dans le feuillage en automne.
Contrairement à la coloration jaune et brune, le rouge est dû à un groupe d’éléments, les anthocyanes, qui sont produites durant cette phase de transition. Ces pigments sont aussi ceux qui entraînent la coloration rouge lors de la maturation des fruits. Ils sont un produit secondaire de la forte activité métabolique pendant la coloration du feuillage en automne.
Les arbres perdent leurs feuilles pour s’adapter à la sécheresse hivernale
La chute annuelle des feuilles en automne est une adaptation au manque d’eau en hiver. En temps normal, les arbres transpirent sur la face supérieure des feuilles une grande partie de l’eau absorbée par leurs racines. Un chêne rouge d’Amérique d’une centaine d’années perd ainsi environ 400 litres d’eau par jour, un gros bouleau entre 40 et 150 litres par jour. Pour éviter ces pertes d’eau, les feuillus se débarrassent de leur feuillage lorsque l’alimentation en eau diminue. Par ailleurs, les racines absorbent de moins en moins d’eau au fur et à mesure que les températures chutent, et interrompent complètement cette absorption dès qu’il gèle. Si l’arbre avait encore des feuilles à ce moment-là, celles-ci continueraient à transpirer, et l’arbre se dessécherait lentement.
Que se passe-t-il encore dans l’arbre?
Etant donné que la chlorophylle fait défaut, la photosynthèse s’arrête. Parallèlement à la coloration du feuillage, un autre phénomène se produit à l’interface entre le pétiole de chaque feuille et le rameau qui la porte. Une fois que tous les éléments précieux ont été stockés, un bouchon de liège se forme à la base du pétiole. Ce bouchon bloque l’alimentation en eau de la feuille et constitue en même temps une zone de rupture (zone d’abscission). Le moindre souffle de vent suffit alors à faire tomber la feuille. Le bouchon de liège qui reste à la base du pétiole protège par ailleurs l’arbre d’attaques de bactéries ou de champignons.
La chute automnale des feuilles n’est donc pas causée en premier lieu par le gel et les vents forts, mais résulte d’un processus actif pour préparer l’arbre à des conditions hivernales pendant lesquelles l’alimentation en eau dans un sol gelé posera le principal problème.
Elimination des polluants et autres avantages
La chute des feuilles n’est pas seulement une protection efficace contre le desséchement, mais aussi une cure de détoxication. En perdant ses feuilles, l’arbre se débarrasse en même temps des substances toxiques qu’il a accumulées pendant l’été. La plante élimine donc les déchets du métabolisme et les polluants environnementaux.
Par ailleurs, les couronnes dénudées résistent mieux au poids de la neige. Si elles conservaient leur feuillage, elles céderaient sous le poids. En outre, grâce à l’absence de feuilles, les bourgeons sont mieux exposés à la lumière nécessaire à leur développement au printemps. Enfin, en traversant la couronne sans feuillage, la lumière permet l’éclosion des premières fleurs printanières telles que les anémones, l’ail des ours ou la ficaire fausse-renoncule.
Des exceptions
Contrairement à la plupart des feuillus, certaines essences telles que le hêtre, le charme ou le chêne conservent jusqu’au printemps leurs feuilles mortes et desséchées. En effet, ces essences ne forment pas de zone d’abscission mais un tissu appelé thylle, c’est-à-dire un amas de cellules qui en prolifèrent et finissent par empêcher la circulation de la sève. Les hormones végétales n’atteignent alors plus les pétioles. Les feuilles restent généralement sur l’arbre jusqu’aux premières tempêtes printanières.
Chute prématurée des feuilles
Divers facteurs environnementaux peuvent provoquer une chute prématurée des feuilles. Celles-ci sont alors encore vertes, parfois aussi brunes. Les longues canicules estivales dessèchent les feuilles, mais un sol très humide peut aussi entraîner un flétrissement parce que les racines pourrissent et ne peuvent guère plus absorber d’eau. Les polluants dans le sol et dans l’atmosphère, par exemple les ions chlorure utilisé pour le salage des routes, ou les oxydes d’azote des gaz d’échappement, affaiblissent les plantes et entraînent la chute des feuilles dès l’été. Les arbres fragilisés par les conditions climatiques extrêmes et les polluants sont particulièrement vulnérables aux infections fongiques et aux attaques d’insectes, qui causent à leur tour la chute prématurée du feuillage. Quant au feuillage des frênes, des aulnes et des sureaux, il est normal qu’il tombe lorsqu’il est encore vert car il ne change pas de couleur.
Pourquoi les conifères ne perdent-ils pas leurs aiguilles en automne?
Les aiguilles des conifères à feuillage persistant sont efficacement protégées contre la transpiration, ce qui évite aux conifères d’être « nus » en hiver. Elles sont en effet couvertes d’une épaisse couche de cire et d’un épiderme très dur, qui réduit la transpiration. Par ailleurs, les stomates, c’est-à-dire les pores par lesquelles les arbres transpirent, sont plus étroites chez les aiguilles que chez les feuilles. Enfin, la faible superficie des aiguilles réduit également la transpiration. Le seul conifère qui perd ses aiguilles en automne est le mélèze. Ses aiguilles sont plus fines que l’épicéa ou le pin, et leur couche de cire moins épaisse, ce qui les rendrait inefficace pour empêcher la transpiration en hiver.
Les conifères perdent aussi leur «feuillage»
Malgré leur nom, les plantes à feuillage persistant comme la plupart des conifères perdent aussi leur feuillage. Au lieu de perdre toutes leurs aiguilles chaque automne, elles en perdent quelques-unes tout au long de l’année. Les aiguilles du pin sylvestre vivent environ cinq ans, celles de l’épicéa jusqu’à sept ans, et celles du sapin jusqu’à onze ans.
Décomposition des feuilles mortes
Sept à quinze tonnes de feuilles mortes et de fragments de bois tombent chaque année par hectare dans une forêt mixte de feuillus. Le sol de ces forêts devrait en fait épaissir chaque année et finir par étouffer sous ces «déchets», si les feuilles mortes ne se décomposaient pas en permanence. En pourrissant, les feuilles se transforment en humus. L’intensité et la durée de ce processus varient selon les espèces d’arbres et dépendent de nombreux autres facteurs tels que la température, l’humidité, la chimie du sol (pH), et surtout la qualité et quantité des organismes décomposeurs. Parmi ceux-ci figurent non seulement les lombrics, les escargots, les cloportes, les scarabées, les araignées et les mille-pattes, mais aussi des bactéries et des champignons.
Laisser les feuilles mortes dans le jardin
Les jardins plantés de feuillus ou d’arbustes sont eux aussi couverts d’un épais tapis de feuilles mortes. Plus d’un propriétaire a alors souvent tendance à empoigner le râteau pour que son jardin soit «propre en ordre». Ce geste constitue cependant une sérieuse atteinte au cycle naturel. Les feuilles mortes sont le meilleur fertilisant pour le jardin. En outre, d’innombrables petits animaux hibernent dans la couche de feuilles mortes, dont des organismes utiles comme les coccinelles, qui débarrassent le jardin des pucerons. En laissant les feuilles mortes en place, on fournit au jardin un fertilisant écologique et on favorise la présence d’organismes utiles.
Traduction: Michèle Kaennel Dobbertin (WSL)